Portrait

Existe-t-il des bicyclettes fabriquées localement, avec des matériaux de qualité et issus du commerce équitable ? En tant que cycliste à la recherche d’une monture, je ne savais pas si je pourrais en trouver mais j’ai pris le temps de me renseigner. Même si beaucoup de fabricants de vélos sont opaques, j’ai eu quelques bonnes surprises qui valaient la peine d’être racontées. Dans cet article, je fais le point sur mes questions personnelles concernant le marché du vélo, principalement en Belgique. Il ne s’agit ni d’une étude de marché, ni d’une analyse approfondie mais plutôt d’un retour d’expérience.
A la recherche d’un vélo
J’utilise mon vélo quotidiennement pour mes petits trajets urbains entre chez moi, mon travail, quelques commerces, la gare,... Quand j’ai dû me séparer de mon ancien vélo, j’ai décidé de prendre le temps et je me suis arrangé pour disposer d’un véhicule provisoire. Pour la majorité de mes achats, j’essaye de favoriser des produits locaux issus d’une production équitable sur le plan humain et utilisant des matériaux naturels. Pour trouver de tels produits, il est souvent préférable de favoriser les circuits courts car éviter les intermédiaires permet d’avoir des informations et des garanties plus fiables.
Dès lors, une flopée de questions se sont posées. Fabrique-t-on entièrement des vélos en Belgique ? En fabrique-t-on dans les pays voisins ? Les matières premières utilisées sont-elles locales ? Les pièces sont-elles toutes recyclables ou biodégradables ? Si certains matériaux (comme les métaux par exemple) viennent de loin, quels sont les impacts sur l’environnement ? Qu’en est-il des conditions de travail des ouvriers ?
Le budget d’un vélo étant relativement conséquent (même s’il est moindre que celui d’un véhicule motorisé), je ne souhaitais pas que mon argent soit injecté dans un système délétère pour la nature et les travailleurs. Je me suis alors renseigné pour mieux faire mon choix.
Mes sources d’informations
Ma première source d’information a été le bouche à oreille. J’ai posé la question à pas mal d’amis cyclistes. Je me dois de les remercier pour leurs conseils et leurs nombreuses réponses, mais je dois aussi dire que j’ai reçu certains commentaires injustifiés qui affirmaient qu’on ne fabriquait plus de vélos en Belgique et qu’au mieux ils étaient assemblés ici avec des pièces venues d’une multitude de pays asiatiques. En gros, je devrais faire une croix sur les circuits courts. Quant à la question du commerce équitable, mes amis n’en savaient rien et ne s’étaient souvent jamais posé la question.
Ce déni de la question ne m’étonne pas vraiment. La majorité de mon entourage ne se soucie pas de ça. La seule chose qui compte dans un achat est le rapport qualité/prix, et qualité veut dire solide et pratique pour l’utilisateur, sans inclure les questions d’impact sur les autres (humains ou non-humains).
Plusieurs personnes m’ont suggéré de chercher un vélo d’occasion. Les achats/ventes entre particuliers sont assez courants chez les cyclistes. Cela a l’avantage de prolonger la durée de vie des vélos et ainsi d’utiliser moins de matières premières et d’énergie. Il n’empêche qu’on ne peut pas acheter que des véhicules de seconde main et que dans tous les cas, les mêmes questions se posent concernant la fabrication.
J’ai ensuite fait appel à mon moteur de recherche. En une soirée, j’avais déjà pas mal d’informations et j’avais trouvé les principales marques belges pertinentes. J’ai même découvert un nouveau métier : cadreur/cadreuse. Cette activité demande un certain savoir-faire et se pratique parfois de manière tout à fait artisanale.
Enfin, en me rendant chez les quelques vélocistes montois, j’ai pu voir ce qu’ils proposaient. Aucun d’eux ne vend des vélos fabriqués en Belgique. Au mieux, ils sont assemblés dans un pays voisin sur base de pièces d’origines variées. Je les ai questionnés sur l’origine de leurs produits mais après vérification, j’ai constaté que leurs informations étaient parfois erronées. Ils ne sont apparemment pas habitués à être interrogés sur l’origine de leurs produits, les circuits courts et encore moins le commerce équitable.
Quelques marques qui sortent du lot
Mes recherches m’ont permis de découvrir des marques de vélos qui répondent en partie à mes critères. Je ne mentionne ici que des marques dont les cadres sont fabriqués (c'est-à-dire soudés) en Belgique, contrairement à la majorité des cadres qui sont fabriqués en Asie. Je ne me suis renseigné que sur les vélos musculaires mais la majorité des marques proposent également une gamme de véhicules à assistance électrique.
La marque Achielle consacre une page de son site web à sa philosophie de travail. Cette petite entreprise sort clairement du lot en termes de clarté sur l’origine des pièces. Ils soudent leurs cadres et assemblent les différentes pièces en Belgique, dans leur atelier situé en Flandre-Occidentale. Les pièces détachées qui ne sont pas fabriquées par Achielle sont achetées en majorité à des entreprises néerlandaises et allemandes qui les fabriquent sur place. L’origine des matériaux bruts utilisés (plastiques, métaux) reste cependant inconnue. Les points de vente de la marque sont renseignés sur leur site web.
Notons aussi qu’il existe en Belgique plusieurs cadreurs indépendants. Ceux-ci sont des artisans qui proposent des vélos personnalisés, souvent fabriqués sur mesure. On peut citer Hufla (Liège), L’Ecurie (région Bruxelloise), Noble Cycles (Province de Luxembourg). On peut raisonnablement espérer qu’en s’adressant à ces indépendants, le contact direct entre le client et l’artisan permet d’en savoir plus sur les questions d’écologie et les méthodes de fabrication.
Certains vont plus loin en fabriquant le cadre dans un matériau naturel. Quelques marques proposent des cadres en bambou, mais je n’en connais aucune qui fabrique ses cadres en Europe.
En Belgique, l’entreprise Zafi propose une offre artisanale qui s’inscrit dans un circuit court et utilise des matériaux biosourcés. Les cadres de leurs vélos sont fabriqués avec du bois de la forêt de Soignes. Leur site est très riche en explications concernant leur travail et le choix de leurs bois. Leur démarche se distingue clairement des standards.
Hors de la Belgique, j’ai repéré Temple Cycles. Cette marque britannique liste sur son site web ses lieux de production (divers pays européens ou non européens selon les pièces). Par ailleurs, ils expliquent brièvement leur démarche de durabilité dans la rubrique FAQ, ce qui est rarissime dans l’industrie du vélo !
J’imagine que certaines marques ou ateliers indépendants ont échappé à ma recherche d’amateur. En complément, une mine d’informations sur le marché du vélo et les lieux de fabrication sont rassemblées ici: https://thebestbikelock.com/bike-brands/
La question du prix est complexe et ne sera pas abordée avec nuance ici. Les vélos fabriqués en Belgique ne sont jamais bon marché mais on en trouve à prix moyen, parfois même à moins de 1000 euros.
Des informations à vérifier
Quelques pièges sont à éviter pour ne pas être mal informé. Premièrement, on doit bien faire la différence entre un vélo simplement assemblé en un certain lieu et un vélo dont le cadre est fabriqué sur place. De plus, il est nécessaire de vérifier les informations qu’on entend dans de simples discussions, et ce, même avec des vendeurs professionnels qui font parfois erreur.
Enfin, il peut arriver de tomber sur des informations trop approximatives. J’ai par exemple trouvé une marque française qui s’engage à une parfaite transparence et une éco-conception de chaque pièce. Je cherche toujours des informations claires sur leur site internet. On peut leur accorder le bénéfice du doute, car il s’agit d’une jeune entreprise et ils ont des projets d’amélioration. En attendant, il est difficile de savoir s’ils sont fiables.
Ce qui manque encore
Certains de mes critères de recherche n’ont été satisfaits par aucune des marques que j’ai pu trouver, à savoir: une garantie de commerce équitable pour les étapes de fabrication qui seraient réalisées à l’étranger, des indications sur le bilan carbone et l’origine de toutes les pièces détachées. S’il existe des banques et des marques de smartphones (et de beaucoup d’autres choses) qui offrent de telles garanties, je n’ai pas trouvé d’équivalent pour les deux-roues.
Conclusion
Bien que les informations concernant l’origine des pièces de vélo et les lieux de fabrication soient peu abondantes, on peut rapidement voir sortir du lot quelques marques plus transparentes que d’autres. Une soirée d’exploration via mon moteur de recherche m’a suffit pour m’y retrouver. Les entreprises qui fabriquent leurs cadres en Belgique n’affichent pas nécessairement des prix plus élevés que les autres, pour des produits similaires. De plus, un véhicule 100 % belge peut généralement être assemblé à la demande du client, ce qui permet d’obtenir un équipement personnalisé.
Les cyclistes avec lesquels j’ai discuté ne recherchent pas de vélos équitables ou écologiques. Il faut rester prudent avant d’en faire une généralité, mais il semblerait donc que l’offre correspond à la demande des consommateurs. Il est difficile de savoir si c’est le désintérêt des cyclistes qui a freiné le développement de l’offre ou si c’est la rareté de l’offre qui a détourné les clients de ce genre de préoccupations. Ceci dit, c’est probablement lié à une tendance sociétale et peut-être même naturelle à mettre le confort et la simplicité avant les préoccupations discutées ci-dessus. La question touche à la sociologie, voire à la psychologie et me dépasse largement.
Contrairement à ce qu’on croit, il reste encore aujourd’hui des niches de savoir-faire en Belgique et il est encore possible de les faire vivre. On peut imaginer qu’un jour elles se développeront à nouveau. Qui sait ce qu’il en adviendra?